Avec le Deux de Bâton, la bûche brute de l'As s'est sophistiquée. De bois à brûler elle s'est métamorphosée en objets, utiles ou décoratifs, taillés et raffinés. Symétriquement croisés en X, deux bâtons siègent au milieu de la carte. Leur cœur bleu foncé témoigne du potentiel spirituel réceptif. Le Deux de Bâton accumule sa charge manifestatoire depuis son centre pour la déployer vers sa périphérie. Des embouts orange créent la jointure entre les parties colorées. Ces intersections intelligentes dynamisent la réceptivité des bâtons dont la fonction première est de matérialiser notre créativité en action. Aux extrémités, quatre spatules noires rappellent, sans doute, qu'après s'être consumée, la matière est poussière et qu'elle retournera poussière. Dans leur verticalité, les bâtons dessinent deux V opposés. Ils délimitent les contours de masques tribaux, figures symboliques de jeunes daguets dont les bois naissants sont couronnés d'une fleur. Les arbrisseaux sont plutôt féminin et réceptif au sommet, et masculin et actif à la base. Leur ouverture organique est synonyme de créativité en plein éveil et de disponibilité féconde. Sur les côtés, quatre branches jaillissent deux par deux d'une corole dorée à bouton rouge. Le Deux de Bâton a la dynamique timide et joviale d'un jouvenceau rougissant devant l'élu(e) de son cœur. Son excitation turgescente est toute intériorisée. Né sous l'égide des muses, le Deux de Bâton nous offre la pause bucolique d'un pique-nique. Les deux personnages empruntés à Manet créent un contraste criard entre la pudeur et l'indécence, entre la réserve et l'audace... entre le désir et la provocation. L'artiste et son inspiratrice se tiennent à distance respectable. Le peintre aventure peut-être le bout d'un pied sur le territoire de la belle. Mais l'attitude désinvolte de la dame signale qu'il reste du chemin... pour que ces premiers jalons se fassent préliminaires. D'après "Le Déjeuner sur l'herbe", Édouard Manet (1832 - 1883)