Sur cette composition, tout appelle à la rencontre, aux retrouvailles et à l'union. Dans sa version originelle, le Deux de Coupe a, déjà, tous les attributs d'un blason amoureux. Il est la représentation idéelle des armoiries que les âmes sœurs arboreraient sans aucun doute et sans l'ombre d'une hésitation. Sa symétrie presque parfaite induit cependant, et en filigranes, la vision narcissique et immature d'un amour autocentré. Si nous rêvons l'autre comme une projection, fût-elle complexe, de nous-mêmes, nous le réduisons à une prolongation incestueuse de notre désir. Et dans ce cas, cet autre, simple idéalisation d'un moi transposé en image d'Épinal, n'existe pas... ou du moins, pas dans sa singularité. En bas et au centre de la carte, le phénix nous invite à concevoir l'Amour dans la perfection de son altérité. L'union qu'il symbolise ne peut alors se faire qu'à la condition de brûler nos rêves infantiles de fusion sur le bûcher de nos vanités. Alors, et alors seulement, les similitudes apparentes entre les éléments miroirs se révèlent harmonieuses dans leur asymétrie. Et l'autre n'est plus une version œdipienne du partenaire construit sur les paradigmes de notre enfance... il est distinct, unique et aimé dans son individualité : sa dualité indivisible. Sous cette condition nécessaire et suffisante, les deux angelets et les dauphins, aux allures de poissons, peuvent donner naissance à un Amour sincère et désintéressé. Et le brasier incandescent que l'oiseau de feu allume sous la voûte étoilée d'hermine transforme leurs pieux désirs en réalités ardentes... et en descendance. D'après "Deux de coupe", Nicolas Conver (1784 - 1833)